Les Chocs - Jazz Magazine https://www.jazzmagazine.com/en-direct-de-la-redaction/chocs/ Fri, 19 Jan 2024 14:36:07 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 https://www.jazzmagazine.com/wp-media/uploads/2023/04/cropped-favicon-32x32-1-32x32.png Les Chocs - Jazz Magazine https://www.jazzmagazine.com/en-direct-de-la-redaction/chocs/ 32 32 Choc de décembre 2023 https://www.jazzmagazine.com/en-direct-de-la-redaction/chocs/choc-de-decembre-2023/ https://www.jazzmagazine.com/en-direct-de-la-redaction/chocs/choc-de-decembre-2023/#respond Wed, 17 Jan 2024 02:35:10 +0000 https://www.jazzmagazine.com/?post_type=choc&p=61962 Jowee Omicil « Spiritual Healing : Bwa Kayiman Suite » 1 CD BasH ! Village Records / Modulor NOUVEAUTÉ. Après moult tentatives sans lendemains, le voilà ressuscité l’esprit des séances du légendaire double 33-tours de Miles “Runs The Voodoo Down” Davis, “Bitches Brew”. Avec cet albumvraiment spirituel, le poly- instrumentiste, fils de pasteur haïtien, élit domicile dans […]

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Jowee Omicil

« Spiritual Healing : Bwa Kayiman Suite »

1 CD BasH ! Village Records / Modulor

NOUVEAUTÉ. Après moult tentatives sans lendemains, le voilà ressuscité l’esprit des séances du légendaire double 33-tours de Miles “Runs The Voodoo Down” Davis, “Bitches Brew”. Avec cet album
vraiment spirituel, le poly- instrumentiste, fils de pasteur haïtien, élit domicile dans le monde libre du futur. Free at last ? Oh oui…

« Bwa Kayiman est une cérémonie d’une heure enregistrée en une prise, longue improvisation découpée en vingt-et-une stations qui sont autant de rites. Musique prière, musique guérison, musique libératrice » : pour une fois le dossier de presse dit vrai. Ce disque est une manière d’ordonnance destinée à apaiser les âmes. Jowee Omicil, Randy Kerber, Jonathan Jurion, Jendah Manga, Arnaud Dolmen et Yoann Danier redonnent au free jazz, ce mode de vie qui n’aurait peut-être jamais dû être un genre à part («Si le jazz n’est pas free, alors ce n’est pas du jazz » aimait à rappeler Philippe Carles) ses lettres de… noblesse ? Non, de feu, réactivant sans colère surjouée mais avec une brûlante sérénité les somptueux brasiers jadis entretenus par Ornette Coleman, Don Cherry ou Eric Dolphy. En jonglant avec naturel avec son saxophone alto, son cornet, sa flûte et sa clarinette basse, Rahsaan Roland Kirk, sort de ce corps ! , le preacher-leader danse avec leurs fantômes, sans oublier celui, donc, de Miles Davis, celui des brèches électriques ouvertes entre la fin des années 1960 et la première moitié de la décennie suivante.  Un autre enfant d’Haïti est dans les parages, le peintre-musicien Jean Michel Basquiat, dont on devinerait presque les couleurs entre les notes (le premier rite s’intitule Bashquiat : c’est le grand truc d’Omicil, ça, nle bash). « La cérémonie du Bois- Caïman est une réunion d’esclaves marrons de la nuit du 14 août 1791, considérée en Haïti comme l’acte fondateur de la révolution et de la guerre d’indépendance. C’est le premier grand soulèvement collectif de Haïti contre l’esclavage », nous rappelle aussi le dossier de presse. Avec “Spiritual Healing : Bwa Kayiman Suite”, Jowee Omicil, inventif et habité comme jamais, en osmose avec ses musiciens, se soulève collectivement contre la dictature du revival et des rétro- futurismes chics et mondains. « Sans arme, ni haine, ni violence » comme disait le cambrioleur. Avec beaucoup d’amour et de générosité semble ajouter notre homme du jour. Grand disque, qui se termine, cela va de soi, par une brève citation de A Love Supreme de John Coltrane.

Fred Goaty.

Jowee Omicil (as, bcl, cnt, voc), Randy Kerber, Jonathan Jurion (p, cla), Jendah Manga (elb), Arnaud Dolmen, Yoann Danier (dm). Villetaneuse, Midilive Studios, 6 juillet 2020.   

Art Blakey & The Jazz Messengers

Live In Paris  13 mai 1961

3 CD Frémeaux et Associés / Socadisc  

RÉÉDITION. 1961 : les Messengers ont huit ans et malgré les changements restent fidèles à eux-mêmes. L’équipe est à son sommet, un équilibre parfait et sans sagesse : audace, intuition, découverte, joie !  

Jimmy Merytt tient la maison, Bobby Timmons incarne le grommellement jubilatoire du blues, débordant, approximatif parfois et totalement dans le coup. Wayne Shorter affiche paradoxalement un son de jeune homme lié à une très ancienne histoire du jazz, fluide et un peu nasillard. La mélodie n’est pas toujours nécessaire : on explore le halo des notes, on joue au yoyo avec les intervalles – Shorter balance entre une maîtrise parfaite de l’instrument et une découverte enfantine de ses improvisations. Lee Morgan, 23 ans, est au pic de sa jeunesse. Clarté incandescente du phrasé, ornementation tournoyante, audace de l’aigu… Au centre Art Blakey déverse son fameux “sac à charbon”, roulement caractéristique qui précède chaque changement de chorus. Mais dans ses solos, il alimente le brasier en maintenant son after beat ! On ne peut même pas dire que cette équipe soit soudée, mais dans ce rugby du diable, chaque soliste sait laisser sa place à l’autre. L’enregistrement est un bazar terrible : rançon du live qui fait apparaître l’enthousiasme de la salle sans embrumer les thèmes, certains symboliques des Messengers (Blues March), d’autres, encore neufs, sans la notoriété qui les consacrera plus tard. Round Midnight s’élève comme une mélodie fantomatique. Tout cela ponctué par un texte de Michel Brillé précis et enthousiaste qui resitue cet Olympia dans l’histoire du jazz en France, cinq jeunes gens qui font de Paris la capitale du jazz.

Yvan Amar  

Art Blakey (dm), Bobby Timmons (p), Lee Morgan (tp), Wayne Shorter (ts), Jimmy Merrit (b). Paris, Olympia, 13 mai 1961.  

Coccolite

Extrasystole  

1 CD La Pluie Chante / Inouïe Distribution  

NOUVEAUTÉ. Avec ce troisième disque qui est celui de la maturité, le trio s’impose pour de bon parmi les formations essentielles du jazz de demain.  

Vu de loin, l’ascension de Coccolite jusqu’à ce disque aux allures de magnum opus pourrait donner l’impression trompeuse d’avoir  été rapide : il n’y a encore pas si longtemps, en 2020, on découvrait un premier disque qui nous avait tapé dans l’oreille tant Nicolas Derand (claviers), Timothé Robert (basse) et Julien Serié (batterie) avaient su synthétiser dans leur jazz futuriste, pyrotechnique mais toujours riche de significations, nombre des tendances de leur époque, tout en s’illustrant déjà avec une patte bien différente des nombreux groupes talentueux qui émergeaient alors. Deux ans plus tard, leur second disque les voyait monter d’un cran à tous les niveaux. Ce trio aux idées foisonnantes a beaucoup travaillé son univers sur scène, pour aboutir à cet album  qui, sans qu’on puisse le prendre en défaut sur ses performances instrumentales d’une extrême intensité, est paradoxalement leur plus scénarisé. Rarement virtuosité aura été aussi bien mise au service d’un récit. De la première à la dernière seconde, la cohérence d’“Extrasystole”, qu’il est recommandé d’écouter d’une traite, ne laisse pas d’abasourdir. Par de subtiles montages sonores (l’une de leurs marques de fabrique), Coccolite élève son art de metteurs en son jusqu’au point d’équilibre parfait où la technique, l’écriture et la production deviennent vecteurs de sens.

Yazid Kouloughli  

Nicolas Derand (p, cla, synth, prod), Timothé Robert (elb, synth) et Julien Serié (dm, elec) + Christophe Zoogones (fl). La Réunion, Cité des Arts.

Ambrose Akinmusire  

Owl Song  

1 CD Nonesuch / Warner Music  

NOUVEAUTÉ. Telle une créature tricéphale qui n’aurait rien de monstrueux, le nouveau trio assemblé par ce trompettiste qui n’en fait décidément qu’à ses têtes célèbre comme un seul homme les vertus de l’interplay.

Après avoir été révélé en 2008 sur le label défricheur Fresh Sound New Talent, puis signé un pentateuque
pour Blue Note où il aura incarné entre 2010 et 2020 une certaine idée de l’avant-garde, Ambrose Akinmusire livre avec “Owl Song” sonpremier album pour Nonesuch, épisode 1 d’une trilogie annoncée qui déploiera ses fastes en 2024. Bill Frisell, 72 ans, est à la guitare ; Herlin Riley, 66 ans, à la batterie. Soit un trio hors norme où l’absence de contrebasse rappellera sans doute à certains celui naguère emmené par le batteur Paul Motian avec, déjà, Frisell à la six- cordes et Joe Lovano au saxophone. Ici aussi, comme dans “Beauty Is Enough”, le tout récent opus solo du trompettiste enregistré à l’église Saint-Eustache à Paris et seulement disponible en digital, il y a beaucoup d’air(s), d’espace(s) et de silence(s) entre les notes. Guère étonnant quand on sait qu’“Owl Song” serait la réaction du natif d’Oakland à  « l’assaut d’informations ». Mais plus encore, c’est l’émotion qui circule, car entre ces trois qui ne font qu’un, beaucoup d’informations, paradoxalement, sont échangées, mais pas de celles qui tournent en boucle ou se propagent sur les réseaux dits sociaux pour mieux nous décérébrer : des informations vitales, qui nourrissent le discours de chacun, ajoutent un supplément d’âme à leurs quêtes méditatives. Rien de nostalgique ni de référentiel dans cette musique libre (tout juste pense-t-on à Fat Time de Miles Davis en écoutant Mr. Riley, propulsé par un beat second line, et qui en serait la réincarnation comme mise à nu), juste la pensée en action de trois musiciens en douce extase créative.

Noadya Arnoux  

Ambrose Akinmusire (tp), Bill Frisell (elg), Herlin Riley (dm). Oakland (Californie), 25th Street Recording Studio 7 et 8 mars 2022.   

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Chocs de juillet 2023 https://www.jazzmagazine.com/en-direct-de-la-redaction/chocs/choc-du-mois-de-juillet-2023/ https://www.jazzmagazine.com/en-direct-de-la-redaction/chocs/choc-du-mois-de-juillet-2023/#respond Wed, 19 Jul 2023 12:17:01 +0000 https://www.jazzmagazine.com/?post_type=choc&p=51007 BOJAN Z « As Is » 1 CD Paradis improvisé / L’Autre Distribution NOUVEAUTÉ. On a tellement pris l’habitude ces dernières années de l’admirer au service des autres –magistral compositeur, arrangeur et directeur artistique des derniers disques de Michel Portal, pour ne citer que ceux là, qu’on en viendrait presque à oublier le formidable pianiste qu’est Bojan […]

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BOJAN Z

« As Is »

1 CD Paradis improvisé / L’Autre Distribution

NOUVEAUTÉ. On a tellement pris l’habitude ces dernières années de l’admirer au service des autres –magistral compositeur, arrangeur et directeur artistique des derniers disques de Michel Portal, pour ne citer que ceux là, qu’on en viendrait presque à oublier le formidable pianiste qu’est Bojan Z.

Heureusement, tous les dix ans à peu près (“Solobsession” en 2001, “Soul Shelter” en 2012), Bojan Z s’installe seul au clavier pour nous offrir sur un mode intimiste une sorte d’état des lieux de son art poétique. Enregistré in situ, sans préparations ni corrections après coup, dans le cadre de la série initiée par Hélène Dumez, ce nouvel instantané remet les pendules à l’heure de façon magistrale. À partir d’un répertoire constitué pour moitié de compositions originales et de l’autre d’une sélection de thèmes fétiches empruntés à Jimmy Rowles (The Peacocks), Wayne Shorter (Some Place Called Where), Clare Fischer (The Greek), Horace Silver (Ecaroh) et Charles Mingus (Self-Portrait In Three Colors), Bojan Z développe dans son style à la fois abrupt et raffiné un univers tout en paradoxes, étayant sa fragilité et son sens de la nuance sur un phrasé remarquablement articulé et architecturé. Plongeant au cœur des mélodies pour en ramener de troublantes visions (version hantée de The Peacocks), doublant parfois ses phrases à l’unisson de sifflements comme pour mieux en accentuer l’enchantement, Bojan Z signe là un chef-d’œuvre de poésie brute.

Stéphane Ollivier.

Bojan Z (p). Marseille, Bojan Z (p).

Marseille, Paradis Improvisé, 17 octobre 2021.

SONNY ROLLINS

« Go West ! » The Contemporary Records Albums

1 COFFRET 3 CD ou 3 LP Craft Recordings /Universal

RÉÉDITION. Disponible au format compact disc ou microsillon, ce coffret regroupe deux albums majeurs de Sonny Rollins, “Way Out West” et “Sonny Rollins And The Contemporary Leaders”.

C’est lors de son premier séjour sur la Côte Ouest que Lester Koenig, le boss de Contemporary Records, lui proposa d’enregistrer. Pour la première séance du 7 mars 1957, le saxophoniste choisit la formule du trio pianoless avec Ray Brown et Shelly Manne. Grâce à ses qualités musicales exceptionnelles et à une prise de son idoine, “Way Out West” connut un grand succès, sans doute “boosté” par sa pochette illustrée par une géniale photo de William Claxton : Rollins dans le désert avec son chapeau de cow-boy, cliché qu’il mit d’ailleurs bien longtemps à assumer… À l’image de cette relecture de I’m An Old Cowhand, une chanson de Johnny Mercer que Rollins avait découverte, enfant, en  voyant Bing Crosby l’interpréter dans le western Rhythm On The Range, la thématique inhabituelle contribua à faire de “Way Out West” un disque à part. Plus classique formellement, “Sonny Rollins And The Contemporary Leaders” n’en reste pas moins une séance de très haut niveau : le fiévreux et rapide The Song Is You (Rollins et Manne en ébullition !), cette merveille de How High The Moon en trio avec Barney Kessel et Leroy Vinnegar et le swinguissime Rock A Bye Your Baby With A Dixie Melody en sont les grands moments. Avec des rééditions d’une telle excellence éditoriale, soulignons aussi la qualité des alternate takes troisième CD, Craft Recordings est en train de s’imposer comme l’un des meilleurs labels patrimoniaux du moment.

Étienne Dorsay.

Sonny Rollins (ts), Barney Kessel (elg), Victor Feldman (vib)

Hampton Hawes (p), Leroy Vinnegar, Ray Brown (b), Shelly Manne (dm).

Los Angeles Contemporary Studios, 7 mars

1957 et 20, 21 et 22 octobre 1958.

RIFFLET & GORDIANI

« E.P.1 »

Digital exclusivement

NOUVEAUTÉ. Cet EP digital qui ne dure qu’une vingtaine de minutes annonce un album qui doit sortir à l’automne et que l’on a hâte de découvrir.

On sait la complicité musicale qui unit le saxophoniste (et clarinettiste) Sylvain Rifflet et le guitariste expert ès-électronique Philippe Gordiani. (Gordiani joue sur la majeure partie des disques de Rifflet depuis le début des années 2010.) Ici, Gordiani a laissé sa six-cordes dans son étui pour distiller sa science électronique et dialoguer au plus haut point d’incandescence créative avec Rifflet. Ces quatre pièces sobrement nommées Inst 1.4, Inst 1.2, Inst 1.7 et Inst 1.8 quid des 1.3, 1.5, 1.6… ? On aime ces mystères et ce suspense… bruissent du meilleur de ce que les années 1970, 1980, 1990 et 2000 nous ont offert dans le domaine du jazz dit “électronique” et prouvent si besoin était qu’il y a de la vie dans les machines quand elles sont ainsi manipulées. Évidemment, ce souffle de vie est aussi prodigué par le saxophone et la clarinette de Rifflet le troubadour 2.0. Vite, courez vers la plateforme de streaming la plus proche de chez vous ! Choc digital donc, avant, sans doute, le Choc physique à la fin de l’année.

Fred Goaty.

Sylvain Rifflet (ts, cl, effets),

Philippe Gordiani (elec).

Émile Parisien, Roberto Negro

« LES MÉTANUITS »

1 CD Act / Pias

NOUVEAUTÉ. Avec le temps, l’influence du grand compositeur hongrois György Ligeti ne cesse de croître auprès des nouvelles générations.

Pour leur première en duo, le saxophoniste Émile Parisien et le pianiste Roberto Negro en apportent magistralement la preuve. Partant du premier quatuor à cordes sous-titré Métamorphoses nocturnes que György Ligeti, âgé à peine de 30 ans, composa en 1953 sous l’influence encore perceptible de Béla Bartok, ces deux musiciens parmi les plus représentatifs de la vitalité et de l’ouverture d’esprit de la scène jazz européenne entreprennent non pas de proposer une simple réduction pour saxophone et piano de cette œuvre à la beauté mystérieuse et à la modernité intacte, mais bel et bien de s’en emparer pour l’adapter en duo à la gamme expressive de leurs instruments respectifs et poursuivre le cycle de ses métamorphoses en l’affrontant au risque de l’improvisation. Plongeant dans les tréfonds de la partition pour en révéler les lignes de forces les plus secrètes, Émile Parisien et Roberto Negro signent là une adaptation envoûtante d’une grande cohérence langagière quand bien même elle passe, au fil des mouvements, par une vaste gamme d’humeurs disparates, du tumulte à l’évanescence mélancolique. Une œuvre toute personnelle, qui en parvenant à demeurer toujours lyrique, malicieuse et impétueuse, est le plus bel hommage que l’on pouvait rendre à la musique de Ligeti.

Stéphane Ollivier.

Émile Parisien (ss), Roberto Negro (p).

Amiens, Studio Gil Evans.

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